Décision

Décision n° 58-35/94 AN du 6 février 1959

A.N., Basses-Pyrénées (2ème circ.)
Rejet

La Commission constitutionnelle provisoire,

Vu les articles 59 et 91 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance du 13 octobre 1958 relative à l'élection des députés à l'Assemblée nationale ;

Vu : 1 ° la requête et le mémoire ampliatif présentés par le sieur Figue (Sylvestre), demeurant au Val-d'Ossau, à Laruns (Basses-Pyrénées), ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat de la Commission constitutionnelle provisoire les 6 et 10 décembre 1958 ;

2 ° La requête présentée par le sieur Tixier-Vignancour, demeurant 95, boulevard Raspail, à Paris (6e), ladite requête enregistrée le 10 décembre 1958, au secrétariat de la Commission constitutionnelle provisoire ;

et tendant à ce qu'il plaise à la Commission statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé les 23 et 30 novembre 1958 dans la 2e circonscription du département des Basses-Pyrénées pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées par le sieur Ébrard, député, lesdites observations enregistrées le 18 décembre 1958 au secrétariat de la Commission ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que les deux requêtes susvisées du sieur Tixier-Vignancour et du sieur Figue concernent les mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

Sur la requête du sieur Tixier-Vignancour ;

2. Considérant que, pour demander l'annulation de l'élection législative à laquelle il a été procédé les 23 et 30 novembre 1958 dans la 2e circonscription des Basses Pyrénées, le sieur Tixier-Vignancour, qui a été candidat dans cette circonscription, fait valoir, d'une part, qu'en se présentant, sur de nombreuses affiches apposées entre les deux tours de scrutin, comme « le seul candidat de l'U.N.R », alors qu'il n'aurait reçu ni l'investiture ni le soutien de cette formation politique, le sieur Ébrard, candidat proclamé élu dans ladite circonscription, aurait usurpé une étiquette à laquelle il n'avait pas droit ; qu'il soutient, d'autre part, que ce même candidat se serait, dans les mêmes conditions, abusivement prévalu de l'appui des « Indépendants et paysans », ainsi que du soutien du R.G.R. et du Centre républicain ;

3. Considérant, d'une part, que s'il n'est pas contesté que le sieur Ébrard a déclaré, par la voie d'une affiche régulièrement apposée entre les deux tours de scrutin, qu'il était le « seul candidat de l'U.N.R », il résulte de l'instruction que ce candidat avait effectivement obtenu le soutien du « Comité béarnais de l'U.N.R » et que cet organisme, dont l'existence est formellement reconnue par le comité central de l'U.N.R., avait reçu de ce dernier une entière liberté d'action sur le plan local ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout autre candidat qui pût se prévaloir d'un appui semblable, c'est à bon droit et sans usurpation de qualité que le sieur Ébrard a pu se présenter aux électeurs comme étant dans la circonscription en cause a le seul candidat de l'U.N.R." ;

4. Considérant, d'autre part, que si le sieur Ébrard a également fait état, dans une affiche régulière, du soutien des Indépendants et paysans, il résulte de l'instruction que ce soutien a été effectivement accordé à ce candidat entre les deux tours de scrutin par le « Centre des indépendants et paysans des Basses-Pyrénées », lequel, jouissant d'une large autonomie, disposait du pouvoir de prendre, sur le plan local, les initiatives imposées par les circonstances ; que dès lors c'est à bon droit et sans usurpation de qualité que sur ce point également le sieur Ebrard a pu se prévaloir du soutien de la formation politique dont s'agit ;

5. Considérant, enfin, que si le sieur Ebrard s'est prévalu de l'appui du R.G.R et du Centre républicain, il résulte de l'instruction qu'en égard, tant au petit nombre de suffrages obtenus au premier tour par les candidats qui eussent été susceptibles de se réclamer de l'appui de ces deux formations qu'à l'écart important existant au deuxième tour de scrutin entre les voix recueillies respectivement par le candidat proclamé élu et par le sieur Tixier-Vignancour, ce fait n'a pu avoir sur les opérations électorales une influence suffisante pour en modifier le résultat ;

Sur la requête du sieur Figue :

6. Considérant que, pour demander l'annulation de l'élection contestée, le sieur Figue soutient que les irrégularités de propagande dont aurait bénéficié le sieur Ébrard et l'utilisation abusive qui aurait été faite par ce dernier de la qualité de « seul candidat de l'U.N.R », auraient eu pour effet d'empêcher le requérant d'obtenir au premier tour de scrutin les 5 % des suffrages exprimés qui lui étaient légalement nécessaires pour se présenter au second tour ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'affaire et eu égard notamment au grand écart existant entre les nombres de voix respectivement obtenues au premier tour de scrutin par le requérant et par le sieur Ébrard, les irrégularités de propagande invoquées n'ont pu, à supposer même qu'elles puissent être tenues pour établies, exercer sur les opérations du premier tour de scrutin une influence suffisante pour en modifier le résultat ;

8. Considérant, d'autre part, que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été ci-dessus énoncés à l'occasion de l'examen de la requête du sieur Tixier-Vignancour ; le grief relatif au soutien de l'U.N.R. ne peut être retenir ;

Décide :

Article premier :
Les requêtes susvisées du sieur Tixier-Vignancour et du sieur Figue sont rejetées.

Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 11 février 1959, page 1878
Recueil, p. 177
ECLI : FR : CC : 1959 : 58.35.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.3. Manœuvres ou interventions relatives au second tour
  • 8.3.4.3.1. Modification de l'" étiquette " politique

Un candidat peut valablement se réclamer de l'investiture de formations politiques, dès lors que les comités régionaux de celles-ci, qui l'ont accordée, avaient reçu en cette matière toute liberté d'action. Candidat se prévalant à tort de l'appui d'un groupement politique dont le candidat avait obtenu un petit nombre de suffrages au premier tour. Fait, en l'espèce, sans influence sur le résultat de l'élection.

(58-35/94 AN, 06 février 1959, cons. 3, 4, Journal officiel du 11 février 1959, page 1878)
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