Communiqué

Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998 - Communiqué de presse

Loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile
Non conformité partielle

Dans sa séance du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel a examiné deux textes.
1) Le premier lui avait été transmis par le Gouvernement, en application de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, aux fins de décider de la nature juridique de certaines dispositions de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites classés. Le Conseil constitutionnel a admis que les dispositions en cause, relatives à la composition de commissions dont la compétence est purement consultative, étaient de nature réglementaire.
2) Le second texte de loi, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, lui avait été soumis, en application de l'article 61 alinéa 2 de la Constitution par un groupe de députés.
Les requérants contestaient la constitutionnalité de trois articles de la loi (1, 13 et 29).
L'article 1 de la loi prévoit que, désormais, le refus de visa d'entrée en France opposé à certaines catégories d'étrangers, devra être motivé. Au nombre de ces étrangers, figurent les enfants étrangers de ressortissants français, lorsque ces enfants sont âgés de moins de vingt et un ans ou sont à la charge de leurs parents. Le Conseil constitutionnel n'a pas retenu le grief de rupture d'égalité soulevé par les requérants. Il a jugé que la distinction ainsi opérée entre enfants de plus ou moins de vingt et un ans prend en compte la situation de dépendance économique des intéressés et leur droit, ainsi que celui de leurs parents, à mener une vie familiale normale. Cette distinction se trouve ainsi en rapport direct avec l'objet de la loi, d'autant que la carte de résident est délivrée de plein droit à l'enfant étranger de ressortissants de nationalité française lorsqu'il a moins de vingt et un ans.
En ce qui concerne l'article 13, qui instaurait une immunité pénale au bénéfice des associations à but non lucratif à vocation humanitaire dont la liste serait arrêtée par le Ministre de l'Intérieur, lorsqu'elles apportaient, conformément à leur objet leur aide et assistance à un étranger séjournant irégulièrement en France, le Conseil constitutionnel en a censuré l'ensemble des dispositions.
Il a rappelé « qu'il résulte, en application de l'article 34 de la Constitution ainsi que du principe de légalité des délits et des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, la nécessité pour le législateur de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale, de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis, afin de permettre la détermination des auteurs d'infractions, d'exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines et de fixer, dans les mêmes conditions, le champ d'application des immunités qu'il instaure ».
En conséquence, il a jugé que la disposition de la loi déférée qui confie au Ministre de l'Intérieur la charge d'apprécier « la vocation humanitaire » des associations , notion dont le contenu n'a été précisé par aucun texte législatif, porte atteinte au principe de légalité des délits et des peines en ce qu'elle fait dépendre le champ d'application de la loi pénale d'une décision administrative, et conduit ainsi à l'incompétence négative du législateur.
Cette partie de l'article 13 a été considérée comme inséparable du reste de cette disposition ,compte tenu des débats parlementaires. L'article 13 a donc été déclaré contraire, dans son ensemble, à la Constitution.
Cependant, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu'il appartient au juge, conformément au principe de légalité des délits et des peines, d'interpréter strictement les éléments constitutifs de l'infraction définie l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation, apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers ».
L'article 29, modifie les compétences de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Désormais la qualité de réfugié pourra être reconnue par l'Office non seulement à celui ou à celle dont la situation répond aux critères retenus par la Convention de Genève sur les réfugiés mais aussi à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté », formule reprise du quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
Constatant que la Commission de recours des réfugiés, dont un des membres représente le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et peut être de nationalité étrangère, devra désormais interpréter une disposition constitutionnelle, les requérants soutenaient que l'article 29 serait contraire à un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les jugements sont rendus « au nom du peuple français ».
Le Conseil constitutionnel a considéré que les fonctions juridictionnelles sont inséparables de l'exercice de la souveraineté nationale et ne sauraient, en principe, être confiées à des personnes de nationalité étrangère ou représentant un organisme international.
Toutefois le Conseil constitutionnel a admis qu'il pouvait être dérogé à ce principe dès lors qu'il s'agit de mettre en oeuvre un engagement international de la France et sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
Le Conseil a considéré que la composition de la Commission de recours des réfugiés, qui a pour vocation d'appliquer la Convention de Genève et dans laquelle la présence de représentants du HCR est minoritaire, ne méconnaît pas ces exigences constitutionnelles. Il a ainsi admis la constitutionnalité de l'organisation actuelle de la Commission des recours.
En outre il a estimé qu'il était loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de prévoir que des demandes de reconnaissance de la qualité des réfugiés, fondées sur des textes juridiques distincts (Convention et Constitution), fassent l'objet d'une instruction commune.
Dès lors l'article 29, qui ajoute une compétence nouvelle (asile constitutionnel) aux attributions de l'OFPRA et donc, en appel, à celles de la Commission des recours, ne méconnaît aucun principe ni aucune règle de valeur constitutionnelle.