Décision n° 2024-32/33/34/35/36/37/38/39/40/41 ELEC du 20 juin 2024 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel rejette dix recours dirigés contre le décret du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés
Par sa décision n° 2024-32/33/34/35/36/37/38/39/40/41 ELEC du 20 juin 2024, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les demandes d’annulation du décret n° 2024-527 du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, dont il était saisi par dix premiers recours.
* S’agissant de sa compétence pour connaître de cet acte réglementaire, le Conseil constitutionnel rappelle que, en vertu de la mission de contrôle de la régularité des élections des députés et des sénateurs qui lui est conférée par l’article 59 de la Constitution, il peut exceptionnellement statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité des élections à venir, dans les cas où l’irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l’efficacité de son contrôle de l’élection des députés et des sénateurs, vicierait le déroulement général des opérations électorales ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics.
Il juge que, eu égard à la nature du décret du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, ces conditions sont remplies.
* Sur le fond, étaient notamment critiquées par plusieurs requérants les dates prévues par l’article 1er pour la tenue du premier tour du scrutin, au motif qu’elles méconnaissaient selon eux les exigences du deuxième alinéa de l’article 12 de la Constitution qui impose un délai minimal pour l’organisation des élections législatives anticipées. Les requérants faisaient notamment valoir que le décret portant dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République n’aurait pris effet que le lendemain de la date de sa publication au Journal officiel, en application des règles de droit commun régissant l’entrée en vigueur des lois et règlements, et soutenaient que les délais prévus par la Constitution devraient être considérés comme des délais francs.
Le Conseil constitutionnel relève que l’article 1er du décret du 9 juin 2024 prévoit que les électeurs sont convoqués le dimanche 30 juin 2024 en vue de procéder à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Par dérogation, les électeurs de certaines circonscriptions d’outre-mer et les électeurs établis sur le continent américain sont convoqués le samedi 29 juin 2024.
Rappelant que, aux termes du deuxième alinéa de l’article 12 de la Constitution : « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution », il juge qu’il résulte de ces dispositions que le premier tour des élections législatives anticipées peut être organisé dès le vingtième jour suivant l’acte par lequel le Président de la République prononce la dissolution de l’Assemblée nationale.
À cette aune, il relève que le Président de la République a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale par un décret du 9 juin 2024 qui a pris effet le jour même. Dès lors, en fixant au 30 juin 2024 ou, par dérogation, au 29 juin, la date du premier tour de scrutin, les dispositions contestées ont mis en œuvre, sans le méconnaître, l’article 12 de la Constitution.
* Était également critiqué par plusieurs requérants l’article 4 du décret du 9 juin 2024, aux termes duquel les élections législatives anticipées ont lieu à partir des listes électorales telles qu’arrêtées à la date de ce décret et, en Nouvelle-Calédonie, à partir des listes électorales arrêtées le 29 février 2024.
Il était notamment reproché à ces dispositions de priver de nombreuses personnes de la possibilité de participer au scrutin. Il en résultait, selon certains requérants, une méconnaissance de l’article 12 de la Constitution, du droit de suffrage et du principe de sincérité du scrutin, ainsi que de l’article L. 2 du code électoral et des stipulations de l’article 3 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le Conseil constitutionnel juge, en premier lieu, que, si l’article L. 17 du code électoral prévoit que, afin de participer à un scrutin, la demande d’inscription sur les listes électorales doit être déposée par l’électeur « au plus tard le sixième vendredi précédant ce scrutin », les dispositions du deuxième alinéa de l’article 12 de la Constitution, qui fixent le délai dans lequel doivent avoir lieu les élections générales après la dissolution et auxquelles s’est conformé le décret du 9 juin 2024, prévalent nécessairement sur ces dispositions législatives.
Il rappelle, en deuxième lieu, que, selon le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution, le suffrage « est toujours universel, égal et secret ». Il en résulte le principe de sincérité du scrutin.
À l’aune de cette exigence constitutionnelle, il relève que, d’une part, les dispositions contestées adaptent certaines modalités particulières d’organisation du scrutin au regard de la date fixée pour le premier tour des élections en application de l’article 12 de la Constitution, afin de tenir compte des contraintes matérielles que représente l’établissement des listes électorales pour les communes et de la nécessité d’en disposer au plus tôt afin d’assurer le bon déroulement des opérations de vote.
D’autre part, il résulte des dispositions du code électoral auxquelles renvoie l’article 4 du décret que les électeurs qui estiment avoir été omis de la liste électorale de leur commune en raison d’une erreur purement matérielle ou avoir été irrégulièrement radiés peuvent saisir le tribunal judiciaire, qui a compétence pour statuer jusqu’au jour du scrutin. En outre, certains électeurs, en particulier ceux remplissant la condition d’âge exigée pour être électeur ou ayant acquis la nationalité française après la clôture des délais d’inscription, peuvent demander à être inscrits sur les listes électorales jusqu’au dixième jour précédant le scrutin.
Le Conseil constitutionnel en déduit que les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit de suffrage ni le principe de sincérité du scrutin. Pour les mêmes motifs, elles ne méconnaissent pas non plus l’article 3 du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
* Le Conseil constitutionnel a par ailleurs écarté les griefs qui étaient dirigés contre d’autres dispositions du décret précité.
Il statuera prochainement sur les autres recours dont il a été saisi dans la perspective des prochaines élections des députés à l’Assemblée nationale.