Décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023 - Communiqué de presse
Saisi de la procédure d’adoption de trois articles de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le Conseil constitutionnel censure deux d’entre eux et, d’office, comme « cavaliers législatifs » neuf autres articles
Par sa décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dont il avait été saisi par plus de soixante députés.
* Les députés requérants contestaient uniquement la procédure d’adoption des articles 17, 22 et 45 de cette loi.
Ils soutenaient que ces trois articles, issus d’amendements présentés en première lecture au Sénat, auraient été adoptés selon une procédure irrégulière, au motif que la Présidente de l’Assemblée nationale aurait déclaré à tort comme irrecevables, au titre de l’article 45 de la Constitution, des amendements ayant pourtant le même objet que ceux à l’origine de ces articles. Il en résultait selon eux une méconnaissance du droit d’amendement et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Par sa décision de ce jour, soulevant cette question d’office, le Conseil constitutionnel examine le caractère « cavalier » de ces dispositions. Il rappelle d’abord, à cet égard, que, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.
Puis, après avoir décrit l’objet des dispositions du projet de loi initial, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, il juge que les articles 17 et 45 ne présentent pas de lien, même indirect, avec ces dispositions. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
Pour le reste, statuant sur les griefs des requérants, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Ces dispositions imposent le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Il résulte de la combinaison de l’article 6 de la Déclaration de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d’amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et sous réserve du respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité, notamment par la nécessité, pour un amendement, de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.
À cette aune, le Conseil constitutionnel juge que la circonstance, à la supposer établie, que des amendements ayant le même objet que ceux à l’origine des articles de l’ article 22 auraient été déclarés irrecevables à tort en première lecture à l’Assemblée nationale, est, en tout état de cause, insusceptible d’avoir porté une atteinte substantielle à la clarté et à la sincérité du débat parlementaire, eu égard au contenu de ces amendements, au stade de la procédure auquel leur a été opposée l’irrecevabilité et aux conditions générales du débat.
* Soulevant ces questions d’office, le Conseil constitutionnel censure en outre comme « cavaliers législatifs » sur le fondement de l’article 45 de la Constitution les articles 14, 20, 36, 46, 48, 50, 52, 59, 69 de la loi déférée.
Cette censure étant prononcée uniquement pour un motif de procédure, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.