Communiqué

Décision n° 2023-848 DC du 9 mars 2023 - Communiqué de presse

Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables
Non conformité partielle

Saisi de dispositions de huit articles de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, le Conseil constitutionnel les juge conformes à la Constitution mais censure pour défaut de portée normative ou comme cavaliers législatifs onze autres articles

Par sa décision n° 2023-848 DC du 9 mars 2023, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur des dispositions de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont il avait été saisi par deux recours émanant, l’un et l’autre, de plus de soixante députés.

* Était notamment contesté l’article 19 de cette loi, dont il résulte que les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie dans le système électrique sont, sous certaines conditions, réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées.

Les députés requérants reprochaient à ces dispositions, notamment, d’instaurer une présomption irréfragable que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui favoriserait systématiquement leur implantation. Il en résultait selon eux une méconnaissance du droit à un procès équitable, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et des exigences découlant des articles 1er, 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement, compte tenu des effets nocifs que ces installations pourraient avoir sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats.

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l’article 1er de la Charte de l’environnement, « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Les limitations apportées par le législateur à l’exercice de ce droit doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève en particulier, d’une part, que, selon leurs travaux préparatoires, ces dispositions visent à favoriser la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie. Ce faisant, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

D’autre part, la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets d’installations auxquels elle s’appliquera du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Le Conseil constitutionnel relève également que si le législateur a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de définir les conditions auxquelles devront satisfaire les projets d’installations de production d’énergies renouvelable ou de stockage d’énergie, il a prévu qu’elles doivent être fixées en tenant compte du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 141‑2 du code de l’énergie au titre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

De l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que les dispositions contestées ne méconnaissent pas l’article 1er de la Charte de l’environnement et qu’elles ne sont pas entachées d’incompétence négative.

* Étaient également contestées certaines dispositions de l’article 23 de la loi, prévoyant que l’auteur d’un recours contre une autorisation environnementale est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur et au bénéficiaire de la décision.

Les députés auteurs de la première saisine reprochaient à ces dispositions de dissuader les requérants d’agir. Les députés auteurs de la seconde saisine soutenaient quant à eux que ces dispositions étaient entachées d’incompétence négative au motif qu’elles renvoient la détermination de leurs conditions d’application à un décret en Conseil d’État.

Le Conseil constitutionnel rappelle, en premier lieu, que, selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

Au regard du cadre constitutionnel ainsi rappelé, il relève que les dispositions contestées se bornent à exiger du requérant l’accomplissement d’une simple formalité visant à assurer, suivant un objectif de sécurité juridique, que les bénéficiaires d’autorisations environnementales sont informés rapidement des contestations dirigées contre les autorisations qui leur sont accordées. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.

En second lieu, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu’elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi.

Ainsi, le législateur a pu, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire la détermination des conditions d’application de la règle de recevabilité des recours formés devant les juridictions administratives qu’il a instaurée.

Par l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le second alinéa de l’article L. 181-17 du code de l’environnement est conforme à la Constitution.

* Le Conseil constitutionnel a censuré d'office comme « cavaliers législatifs », c'est-à-dire comme adoptés selon une procédure contraire aux exigences de l'article 45 de la Constitution, les articles 46, 48, 49, 55, 79, 94, 97, 111, 113 et 115 de la loi déférée.

La censure de ces articles ne préjuge pas de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles.

Enfin, l’article 65 de la loi est censuré comme dépourvu de portée normative.