Communiqué

Décision n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021 - Communiqué de presse

Section française de l'observatoire international des prisons [Conditions d'incarcération des détenus II]
Non conformité totale

Le Conseil constitutionnel juge qu'il incombe au législateur de garantir aux personnes condamnées la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu'il y soit mis fin

L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2021 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 707, 720-1, 720-1-1, 723-1, 723-7 et 729 du code de procédure pénale.

Les critiques formulées contre ces dispositions

Il était notamment reproché au législateur, faute d'avoir imposé au juge, par ces dispositions, de faire cesser les conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine auxquelles seraient exposées des personnes condamnées, d'avoir méconnu l'étendue de sa compétence dans une mesure affectant le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, celui de prohibition des traitements inhumains et dégradants ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif.

Le cadre constitutionnel

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il ressort du Préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle.
En outre, il résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

De ces différentes exigences constitutionnelles, le Conseil constitutionnel a déduit qu'il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu'aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes condamnées soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne. Il appartient, en outre, aux autorités et juridictions compétentes de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne condamnée détenue et d'ordonner la réparation des préjudices subis. Enfin, il incombe au législateur de garantir aux personnes condamnées la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu'il y soit mis fin. Dans le choix des modalités retenues pour assurer cette protection, il peut toutefois tenir compte des exigences liées à l'exécution de la peine.

Par ces motifs, la présente décision s'inscrit dans le prolongement de la décision n°2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020 par laquelle le Conseil constitutionnel avait dégagé l'obligation faite par la Constitution au législateur de garantir aux personnes placées en détention provisoire une même possibilité de saisir le juge pour qu'il soit mis un terme à des conditions de détention indignes.

Le contrôle des dispositions législatives faisant l'objet de la QPC

Au regard de ces exigences constitutionnelles, le Conseil a constaté, en premier lieu, que, si une personne condamnée incarcérée en exécution d'une peine privative de liberté et exposée à des conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le juge administratif en référé, sur le fondement des articles L. 521-2 ou L. 521-3 du code de justice administrative, les mesures que ce juge est susceptible de prononcer dans ce cadre, qui peuvent dépendre de la possibilité pour l'administration de les mettre en œuvre utilement et à très bref délai, ne garantissent pas, en toutes circonstances, qu'il soit mis fin à la détention indigne.

En second lieu, le paragraphe III de l'article 707 du code de procédure pénale prévoit que la personne condamnée détenue peut bénéficier d'un aménagement de sa peine en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d'occupation de l'établissement pénitentiaire. Toutefois, ni cette disposition ni aucune autre ne permet à une personne condamnée d'obtenir un aménagement de peine au seul motif qu'elle est détenue dans des conditions indignes ou de saisir le juge judiciaire pour qu'il soit mis fin à cette situation par une autre mesure.

Le Conseil constitutionnel en déduit que, indépendamment des actions en responsabilité susceptibles d'être engagées à raison de conditions de détention indignes, les dispositions contestées méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées. Il les déclare en conséquence contraires à la Constitution.

Constatant que les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur(1), le Conseil constitutionnel juge que les mesures prises en application de ces dispositions ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

(1) L'article 707 du code de procédure pénale était contesté dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, laquelle a été modifiée par la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021.