Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel juge que la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement, au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement
En outre, le Conseil constitutionnel juge désormais que doivent être regardées comme des dispositions législatives les dispositions d’une ordonnance ne pouvant plus, passé le délai d’habilitation, être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif
- L’objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie.
Selon l’article L. 311-1 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, l’exploitation d’une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée à l’opérateur qui en fait la demande ou qui est désigné au terme d’un appel d’offres. Pour se prononcer sur cette autorisation, l’administration tient compte de plusieurs critères, fixés à l’article L. 311-5, objet de la QPC.
- Les critiques formulées contre ces dispositions législatives
Selon l’association requérante, la décision administrative autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité avait une incidence directe et significative sur l’environnement. Dès lors, faute d’avoir prévu de dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et l’article 7 de la Charte de l’environnement.
- Le cadre constitutionnel
Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Depuis l’entrée en vigueur de cette Charte, il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
- Le contrôle des dispositions législatives faisant l’objet de la QPC
Le Conseil constitutionnel juge que, aux termes de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, lorsqu’elle se prononce sur l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, l’autorité administrative tient compte, notamment, du « choix des sites » d’implantation de l’installation, des conséquences sur l’« occupation des sols » et sur l’« utilisation du domaine public », de l’« efficacité énergétique » de l’installation et de la compatibilité du projet avec « la protection de l’environnement ». Selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, l’autorisation administrative ainsi délivrée désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d’implantation de l’installation.
Le Conseil constitutionnel en déduit que la décision autorisant, sur le fondement de cet article L. 311-5, l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Est indifférente à cet égard la circonstance que l’implantation effective de l’installation puisse nécessiter l’adoption d’autres décisions administratives postérieurement à la délivrance de l’autorisation.
En conséquence, le Conseil constitutionnel contrôle le respect par les dispositions contestées des exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Il relève que, avant l’ordonnance du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, aucune disposition n’assurait la mise en œuvre de ce principe à l’élaboration des décisions publiques prévues à l’article L. 311-5 du code de l’énergie. En revanche, l’ordonnance du 5 août 2013 a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1-1, applicable à compter du 1er septembre 2013 aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public. Cet article impose la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande. Il permet ensuite au public de déposer ses observations, par voie électronique, dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition.
Le Conseil constitutionnel relève que si l’article L. 120-1-1 a été introduit par voie d’ordonnance, celle-ci ne pouvait plus, conformément au dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, être modifiée que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif, à compter de l’expiration du délai de l’habilitation fixé au 1er septembre 2013. En des termes inédits, il en déduit que, à compter de cette date, elles doivent être regardées comme des dispositions législatives. Ainsi, les conditions et les limites de la procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1-1 sont « définies par la loi » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Par l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions, dans leur rédaction contestée, applicable du 1er juin 2011 au 18 août 2015, doivent être déclarées contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013 mais conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013. La remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution avant cette date aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.