Communiqué

Décision n° 2019-827 QPC du 28 février 2020 - Communiqué de presse

M. Gérard F. [Conditions de recevabilité d'une demande de réhabilitation judiciaire pour les personnes condamnées à la peine de mort]
Conformité

Le Conseil constitutionnel valide des dispositions relatives à la réhabilitation judiciaire mais souligne que le législateur serait fondé à instituer en faveur des ayants-droit d'une personne condamnée à la peine de mort une procédure judiciaire tendant au rétablissement de son honneur.

L'objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 décembre 2019 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 785 et 786 du code de procédure pénale, relatifs à la procédure de réhabilitation judiciaire.

La réhabilitation judiciaire vise à favoriser le reclassement du condamné. Elle efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent d'une condamnation pénale et interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, en a connaissance d'en rappeler l'existence. Toutefois, elle ne supprime pas de plein droit la condamnation qui peut être prise en compte par les autorités judiciaires en cas de nouvelles poursuites, pour l'application de la récidive légale.

Selon l'article 786 du code de procédure pénale, une demande en réhabilitation judiciaire ne peut être formée qu'après un délai de cinq ans pour les personnes condamnées à une peine criminelle. Ce délai court à compter de l'expiration de la sanction, qu'elle soit exécutée ou prescrite, sauf dans le cas particulier, prévu à l'article 789 du même code, où le condamné « a rendu des services éminents au pays » depuis l'infraction et peut alors être réhabilité sans condition de temps ni d'exécution de peine.

Les critiques formulées contre ces dispositions législatives

Le requérant faisait valoir qu'en conditionnant la recevabilité d'une demande en réhabilitation judiciaire au respect d'un délai d'épreuve de cinq ans à compter de l'expiration de la sanction subie, ces dispositions privaient les proches d'une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée, de la possibilité de former en son nom une telle demande dans l'année de son décès. Cette différence de traitement entre les personnes condamnées à mort, dont la peine a été exécutée, et celles condamnées à d'autres peines criminelles, ou qui ont été graciées par le Président de la République, méconnaissait selon lui les principes d'égalité devant la loi et devant la justice ainsi que le principe de proportionnalité des peines.

Le cadre constitutionnel

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle, en particulier, qu'il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

Le contrôle des dispositions législatives faisant l'objet de la QPC

Au regard de ce cadre constitutionnel, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées font obstacle à ce qu'une demande en réhabilitation judiciaire puisse être formée par une personne condamnée à la peine de mort, dont la peine a été exécutée. Elles font également obstacle à ce qu'une telle demande soit formée par ses proches dans l'année de son décès, conformément au premier alinéa de l'article 785 du même code.

Toutefois, en imposant le respect d'un délai d'épreuve de cinq ans après l'exécution de la peine, le législateur a entendu subordonner le bénéfice de la réhabilitation à la conduite adoptée par le condamné une fois qu'il n'était plus soumis aux rigueurs de la peine prononcée à son encontre. À cet égard, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que la réhabilitation judiciaire ne peut être accordée qu'aux personnes qui, après avoir été condamnées et avoir subi leur peine, se sont rendues dignes, par les gages d'amendement qu'elles ont donnés pendant le délai d'épreuve, d'être replacées dans l'intégrité de leur état ancien. Dès lors, les personnes condamnées à la peine de mort et exécutées se trouvaient dans l'impossibilité de remplir les conditions prévues par la loi. Ainsi, la différence de traitement qui résulte des dispositions contestées repose sur une différence de situation et en rapport direct avec l'objet de la loi.

Le Conseil constitutionnel souligne toutefois que, après l'abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981, le constituant a, par la loi constitutionnelle du 23 février 2007, introduit dans la Constitution l'article 66-1 aux termes duquel « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ». Dans ces conditions, le législateur serait donc fondé à instituer une procédure judiciaire, ouverte aux ayants-droit d'une personne condamnée à la peine de mort dont la peine a été exécutée, tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir.

Par ces motifs, le Conseil constitutionnel écarte la critique tirée de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et la justice et juge, après avoir écarté l'autre grief soulevé par le requérant, que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution.