Communiqué

Décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018 - Communiqué de presse

Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel
Non conformité partielle

Par sa décision n°2018-769 DC du 4 septembre 2018, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont il avait été saisi par deux recours émanant, l'un et l'autre, de plus de soixante députés et par un recours émanant plus de soixante sénateurs.

Les députés et sénateurs requérants contestaient la procédure d'adoption de la loi, ainsi que, au fond, plusieurs de ses dispositions.

Sur le fond, le Conseil constitutionnel a écarté différentes critiques à l'article 1er de la loi, qui prévoit la monétisation du compte personnel de formation et transforme le congé individuel de formation en une modalité spécifique d'utilisation de ce compte dans le cadre d'un « projet de transition professionnelle ». Il a en particulier jugé que le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité en prévoyant que, lorsqu'un demandeur d'emploi accepte une formation achetée par la région ou par Pôle emploi, son compte personnel de formation est débité du montant de l'action réalisée, dans la limite des droits inscrits sur son compte. A cet égard, il a relevé que le compte personnel de formation du demandeur d'emploi n'est débité du montant de l'action réalisée que si ce demandeur a accepté la formation proposée et après qu'il a été informé que cet accord vaut acceptation de la mobilisation de son compte personnel de formation. Le demandeur d'emploi étant placé dans une situation différente du salarié en ce qui concerne la prise en charge par le service public de l'emploi et les modalités de financement de leur formation professionnelle, le législateur a traité différemment des personnes placées dans des situations différentes. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi.

S'agissant du régime juridique du contrat d'apprentissage, le Conseil constitutionnel a jugé que, par l'ajout de l'objectif d'insertion professionnelle au premier alinéa de l'article L. 6211-1 du code du travail, qui dispose que « L'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la nation », l'article 11 de la loi ne porte aucune atteinte au principe d'égal accès à l'instruction résultant du treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Il a relevé que l'ajout de ce nouvel objectif n'est au demeurant pas incompatible avec les objectifs déjà assignés à l'apprentissage.

La même critique a été écartée concernant l'abaissement par l'article 13 de la loi d'un an à six mois de la durée minimale du contrat ou de la période d'apprentissage, dont le maximum reste fixé à trois ans. Le Conseil constitutionnel a relevé que, en vertu des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 6222-7-1 du code du travail, cette durée doit en principe être égale à celle du cycle de formation préparant à la qualification qui fait l'objet du contrat, sauf à ce qu'elle soit réduite pour tenir compte des qualifications déjà acquises par l'apprenti. Dès lors, l'abaissement d'un an à six mois de la durée minimale du contrat ou de la période d'apprentissage n'a nullement pour effet de priver l'apprenti de la formation qui doit lui être dispensée dans le cadre de son apprentissage.

Il en est de même des dispositions de l'article 13 autorisant les employeurs de stagiaires ou de salariés mineurs à déroger à la durée quotidienne de travail effectif de huit heures, dans la limite de deux heures par jour et sous réserve du respect des règles d'ordre public en matière de durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail fixées par le code du travail. Le Conseil constitutionnel a relevé que, en vertu de l'article L. 6222-24 du code du travail, le temps consacré par l'apprenti à la formation dispensée dans les centres de formation d'apprentis est compris dans l'horaire de travail. Dès lors, il ne résulte pas de la dérogation prévue par le législateur une réduction du temps consacré à la formation dispensée aux apprentis.

S'agissant de la réforme des conditions de financement du régime d'assurance-chômage prévue par l'article 54, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, en relevant notamment que, sous réserve de certaines exceptions spécifiques à certains salariés, est prévue la suppression de l'ensemble des contributions salariales au régime d'assurance chômage. N'est donc instituée aucune différence de traitement entre les salariés assurés de ce régime. Le fait que les allocations servies par le régime d'assurance chômage, qui sont liées aux revenus antérieurement perçus, seront partiellement financées, non plus par les contributions salariales, mais par le produit d'impositions de toute nature, susceptible d'être affecté à l'organisme gestionnaire de ce régime par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, n'emporte pas d'atteinte au principe d'égalité. Est indifférente, à cet égard, l'entrée en vigueur, à compter du 1er janvier 2019, de la réduction dégressive des contributions des employeurs à l'assurance chômage sur les bas salaires, qui résulte de l'article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Sont par ailleurs écartées par le Conseil constitutionnel les critiques adressées à l'article 57 de la loi prévoyant une négociation des partenaires sociaux en vue de la conclusion d'accords faisant évoluer les règles de l'assurance chômage sur la base d'un « document de cadrage » que leur transmet le Gouvernement. Jugeant que les conditions d'adoption de ces dispositions n'ont pas méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, le Conseil constitutionnel a relevé que le législateur a entendu, sans attendre le terme de l'actuelle convention d'assurance chômage fixé au 30 septembre 2020, permettre l'édiction de nouvelles règles régissant l'assurance chômage, en vue de favoriser le retour à l'emploi, de lutter contre la précarité et de revoir l'articulation entre assurance et solidarité, le cas échéant par la création d'une allocation chômage de longue durée attribuée sous condition de ressources. Ce faisant, le législateur a poursuivi des objectifs d'intérêt général. Il appartient en outre aux partenaires sociaux de définir, conventionnellement, de nouvelles règles relatives à l'assurance chômage sur la base d'un document de cadrage lui-même soumis préalablement à la concertation. Les dispositions contestées n'ont enfin ni pour objet ni pour effet, par elles-mêmes, de remettre directement en cause la convention d'assurance chômage en vigueur. Elles ouvrent seulement au Premier ministre la faculté de priver celle-ci d'effet en mettant fin à l'agrément dont elle fait l'objet, en cas d'échec de la négociation à venir ou si l'accord conclu par les partenaires sociaux n'est pas compatible avec les objectifs définis dans le document de cadrage du Gouvernement. Par ces motifs, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté contractuelle et du droit au maintien des conventions légalement conclues.

Pour des raisons de procédure, sont en revanche censurés par la décision de ce jour les articles 20, 21, 22, 23, 33, 47, 66, 70, 111, 112 et 113 de la loi.