Communiqué

Décision n° 2018-763 QPC du 8 février 2019 - Communiqué de presse

Section française de l'Observatoire international des prisons [Rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement]
Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 décembre 2018 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 34 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

Ces dispositions reconnaissent aux prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement la possibilité de bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à cette comparution. Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État que la décision administrative relative au rapprochement familial est nécessairement subordonnée à l'accord du magistrat judiciaire saisi du dossier de la procédure. Il en résulte également que, si le juge administratif exerce un contrôle de la légalité de cette décision, il se refuse en revanche à contrôler la régularité et le bien-fondé de l'avis défavorable du magistrat judiciaire qui en constitue, le cas échéant, le fondement.

Selon l'association requérante, les dispositions contestées méconnaissaient, notamment, le droit à un recours juridictionnel effectif. Elle leur reprochait, d'une part, de ne prévoir aucune voie de recours permettant au détenu prévenu de contester l'avis conforme par lequel l'autorité judiciaire peut s'opposer au bénéfice du rapprochement familial. Elle leur reprochait, d'autre part, de ne pas préciser les motifs susceptibles de justifier cette opposition.

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

En l'espèce, il juge que, dès lors que ni les dispositions législatives ni le recours ouvert devant le juge administratif ne permettent de contester l'avis défavorable du magistrat judiciaire, il n'existe pas de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial lorsque celle-ci fait suite à un tel avis. Les dispositions contestées méconnaissent donc les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Constatant que l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement de la possibilité d'obtenir un rapprochement familial et qu'elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel reporte au 1er septembre 2019 la date de l'abrogation qu'il prononce, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. En outre, afin de faire cesser cette inconstitutionnalité à compter de la publication de la décision de ce jour, il précise par la voie d'une réserve transitoire qu'il y a lieu de juger que les avis défavorables pris sur le fondement des dispositions litigieuses par les magistrats judiciaires après la date de cette publication peuvent être contestés devant le président de la chambre de l'instruction dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 145-4 du code de procédure pénale.