Communiqué

Décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 - Communiqué de presse

Section française de l'observatoire international des prisons et autres [Délai de recours et de jugement d'une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger]
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la contestation par un étranger détenu d'une obligation de quitter le territoire français n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 15 mars 2018 par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Il résulte des dispositions contestées que l'étranger en détention faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut en demander l'annulation dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Le juge administratif statue alors sur ce recours au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine.
Selon les requérants et parties intervenantes, ces dispositions méconnaissaient les exigences du droit au recours juridictionnel effectif en impartissant à l'étranger détenu et au juge des délais trop courts pour garantir le caractère effectif du recours contre une obligation de quitter le territoire français et l'exercice des droits de la défense. Le législateur n'aurait en outre pas prévu de garanties suffisantes de nature à assurer à l'étranger en détention un accès effectif à un interprète et à un avocat dans ces délais.
Faisant application de sa jurisprudence constante sur le droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions contestées en ce qu'elles fixent les délais impartis à l'étranger détenu pour former un recours et au juge pour statuer sur celui-ci.

Il a relevé que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français et éviter qu'un étranger détenu, objet d'une telle mesure, doive, à l'issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours.
Toutefois, d'une part, les dispositions contestées prévoient un délai maximum de cinq jours entre la notification d'une obligation de quitter le territoire à un étranger détenu et le moment où le juge administratif se prononce sur la légalité de cette mesure s'il en est saisi. L'étranger dispose donc d'un délai particulièrement bref pour exposer au juge ses arguments et réunir les preuves au soutien de ceux-ci.
D'autre part, l'administration peut notifier une obligation de quitter le territoire français sans attendre les derniers temps de la détention, dès lors que cette mesure peut être exécutée tant qu'elle n'a pas été abrogée ou retirée. Il lui est donc possible, lorsque la durée de la détention le lui permet, de procéder à cette notification de le faire suffisamment tôt au cours de l'incarcération tout en reportant son exécution à la fin de celle-ci.
Le Conseil constitutionnel en a déduit que, en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l'étranger détenu afin de former son recours et pour le juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions contestées, qui s'appliquent quelle que soit la durée de la détention, n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention. Il a donc prononcé une censure à effet immédiat des règles de délai fixées par ces dispositions.