Communiqué

Décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018 - Communiqué de presse

M. Jean-Marc R. [Délit d'apologie d'actes de terrorisme]
Conformité

Les dispositions du code pénal réprimant l'apologie d'actes de terrorisme sont conformes à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a été saisi 6 mars 2018 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 421-2-5, 422-3 et 422-6 du code pénal.

Les dispositions contestées de l'article 421-2-5 du code pénal répriment le délit d'apologie publique d'actes de terrorisme d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, peine portée à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque le délit a été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. Quant aux dispositions contestées de l'article 422-3 du code pénal, elles instaurent des peines complémentaires susceptibles d'être prononcées à l'encontre des auteurs de ce délit. Sont ainsi encourues, pour une durée maximum de dix ans, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, ainsi que l'interdiction de séjour. Enfin, l'article 422-6 du code pénal punit les personnes « coupables d'actes de terrorisme », une peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition.

Selon le requérant, ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines, faute pour le législateur d'avoir suffisamment circonscrit le champ d'application de ce délit. Elles violaient la liberté d'expression, dès lors qu'elles incriminaient un comportement sans imposer que son auteur manifeste une intention terroriste et sans exiger un risque avéré de passage à l'acte terroriste. Enfin, les peines sanctionnant ce délit contrevenaient aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

Faisant application de sa jurisprudence sur les principes et règles qui viennent d'être mentionnés, le Conseil constitutionnel écarte les critiques formulées contre les dispositions contestées, par trois séries de motifs.

Il relève en premier lieu qu'il résulte de la définition du délit d'apologie de terrorisme établie par l'article 421-5 du code pénal que le comportement incriminé doit inciter à porter un jugement favorable sur une infraction expressément qualifiée par la loi d'« acte de terrorisme » ou sur son auteur. D'autre part, ce comportement doit se matérialiser par des propos, images ou actes présentant un caractère public, c'est-à-dire dans des circonstances traduisant la volonté de leur auteur de les rendre publics. Dès lors, les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d'arbitraire. Le Conseil constitutionnel écarte par ces motifs le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

En deuxième lieu, s'agissant de la nécessité des peines contestées, le Conseil constitutionnel relève notamment qu'en aggravant le montant de la peine encourue par l'auteur du délit lorsque celui-ci a été commis en utilisant un service de communication au public en ligne, le législateur a pris en compte l'ampleur particulière de la diffusion des messages prohibés que permet ce mode de communication, ainsi que son influence dans le processus d'endoctrinement d'individus susceptibles de commettre des actes de terrorisme. Le Conseil constitutionnel juge qu'au regard de la nature des comportements réprimés, les peines instituées, qui sont prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, ne sont pas manifestement disproportionnées.

En troisième lieu, s'agissant de l'atteinte à la liberté d'expression et de communication, le Conseil constitutionnel relève notamment qu'en instituant le délit d'apologie publique d'actes de terrorisme, le législateur a entendu prévenir la commission de tels actes et éviter la diffusion de propos faisant l'éloge d'actes ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, dont participe l'objectif de lutte contre le terrorisme. En outre, l'apologie publique, par la large diffusion des idées et propos dangereux qu'elle favorise, crée par elle même un trouble à l'ordre public. Les actes de terrorisme dont l'apologie est réprimée sont des infractions d'une particulière gravité susceptibles de porter atteinte à la vie ou aux biens. L'atteinte portée à la liberté d'expression et de communication par les dispositions contestées est donc nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Les dispositions contestées ne méconnaissent donc pas cette liberté.