Décision n° 2017-751 DC du 7 septembre 2017 - Communiqué de presse
Par sa décision n°2017-751 DC du 7 septembre 2017, le Conseil constitutionnel, saisi par plus de soixante députés, s'est prononcé sur la loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Cette loi comprend dix articles, dont sept autorisent, en vertu de l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, dans un délai déterminé par chacun de ces articles.
Les critiques formulées contre la loi dans le recours adressé au Conseil constitutionnel portaient, d'une part, sur la procédure d'adoption de celle-ci et, d'autre part, sur certaines dispositions de cinq de ses articles.
S'agissant de la procédure législative, le Conseil constitutionnel juge que ni les délais d'examen de la loi dans le cadre de la procédure accélérée régulièrement engagée par le Gouvernement conformément à l'article 45 de la Constitution, ni les conditions concrètes du déroulement des travaux au Parlement n'ont méconnu les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
S'agissant du contrôle des dispositions d'habilitation qui lui étaient déférées, le Conseil constitutionnel fait application de sa jurisprudence constante concernant l'article 38 de la Constitution.
Il résulte de cette jurisprudence, d'une part, que la Constitution oblige le Gouvernement à indiquer avec précision au Parlement « la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ainsi que leur domaine d'intervention », sans le contraindre à « faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation ». Sur ce premier point, la décision de ce jour du Conseil constitutionnel juge la loi d'habilitation suffisamment précise.
D'autre part, la jurisprudence du Conseil constitutionnel le conduit à s'assurer que « ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement », des dispositions d'habilitation prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution ne sont « contraires aux règles et principes de valeur constitutionnelle ». Elle précise en outre que, lors de la ratification d'une ordonnance entrée en vigueur, le législateur est tenu au respect de ces mêmes exigences constitutionnelles. Sur ce second point, la décision de ce jour du Conseil constitutionnel opère un contrôle de chacune des dispositions qui lui étaient déférées au regard des exigences constitutionnelles invocables.
Ainsi, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions de l'article 1er ne sont ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, contraires aux exigences constitutionnelles du droit à l'emploi et du principe d'égalité devant la loi. Ces dispositions autorisent le Gouvernement, afin de renforcer la négociation collective, à harmoniser et simplifier par voie d'ordonnance le recours aux accords de compétitivité ainsi que le régime juridique de la rupture du contrat de travail en cas de refus par le salarié des modifications de son contrat de travail résultant d'un accord collectif. Le Conseil constitutionnel rappelle que ces dispositions ne sauraient dispenser le Gouvernement de respecter ces mêmes exigences au stade de l'adoption de l'ordonnance.
Est écarté par un raisonnement similaire le grief qui était formulé, au regard des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, contre les dispositions de l'article 1er autorisant le Gouvernement à faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord déjà conclu, à l'initiative d'un syndicat représentatif dans l'entreprise, de l'employeur ou sur leur proposition conjointe. Le Conseil constitutionnel rappelle sa jurisprudence selon laquelle, si le Préambule de la Constitution de 1946 confère aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, il n'attribue pas pour autant à celles-ci un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective. Il juge que les dispositions critiquées n'enfreignent ni par elles-mêmes, ni par les conséquences qui en découlent nécessairement, les exigences constitutionnelles.
Sont également écartés les griefs tirés d'une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et au principe responsabilité invoqués par le recours contre les dispositions de l'article 3. Celles-ci habilitent le Gouvernement, afin de renforcer la prévisibilité et ainsi de sécuriser la relation de travail ou les effets de sa rupture pour les employeurs ou pour les salariés, à modifier les règles de la réparation financière des irrégularités de licenciement, en particulier par l'établissement d'un référentiel obligatoire pour l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le Conseil constitutionnel juge que ni le principe de responsabilité, ni celui de la séparation des pouvoirs ne s'opposent à ce que le législateur fixe un barème obligatoire pour la réparation d'un préjudice causé par une faute civile. Le seul fait de prévoir un tel barème pour l'indemnisation du préjudice résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe d'égalité devant la loi. L'habilitation ne saurait dispenser le Gouvernement de respecter ce même principe au stade de l'ordonnance.
Par la décision de ce jour, le Conseil constitutionnel ne prononce donc pas de censure de la loi d'habilitation à prendre par ordonnances des mesures pour le renforcement du dialogue social.
Pour autant, il est rappelé que, en sus du contrôle que le juge administratif serait susceptible d'opérer sur les ordonnances avant leur ratification si elles lui étaient déférées, le Conseil constitutionnel peut être saisi des dispositions législatives ratifiant une ordonnance ou, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, des dispositions ratifiées des ordonnances prises sur le fondement de l'article 38 de la Constitution.