Communiqué

Décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 - Communiqué de presse

M. Ousmane K. et autres [Motivation de la peine dans les arrêts de cour d'assises]
Non conformité totale - effet différé - réserve transitoire

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 2017 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 362 et 365-1 du code de procédure pénale.

Les requérants et les parties intervenantes reprochaient à ces dispositions, en ce qu'elles n'imposent pas à la cour d'assises de motiver la peine prononcée, de porter atteinte aux principes de nécessité et de légalité des peines, au principe d'individualisation des peines, au droit à une procédure juste et équitable, aux droits de la défense et au principe d'égalité devant la loi et devant la justice.

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel juge qu'il ressort des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines. Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de cette déclaration, implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Ces exigences constitutionnelles imposent la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine.

Or, en application de l'article 365-1 du code de procédure pénale, le président ou l'un des magistrats assesseurs désigné par lui doit rédiger la motivation de l'arrêt rendu par la cour d'assises. Selon le deuxième alinéa de cet article, en cas de condamnation, la motivation doit comprendre l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises au terme des délibérations sur la culpabilité. En revanche, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que le deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale interdit la motivation par la cour d'assises de la peine qu'elle prononce.
Pour l'ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que, en n'imposant pas à la cour d'assises de motiver le choix de la peine, le législateur a méconnu les exigences tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789. Il déclare donc contraire à la Constitution le deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale.

Compte tenu des conséquences manifestement excessives qu'aurait l'application immédiate de cette décision, il reporte au 1er mars 2019 la date de cette abrogation, tout en précisant que, pour les procès ouverts après la date de sa décision et sans attendre le 1er mars 2019, le deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale doit être interprété comme imposant également à la cour d'assises d'énoncer, dans la feuille de motivation, les principaux éléments, l'ayant convaincue dans le choix de la peine.