Décision n° 2017-655 QPC du 15 septembre 2017 - Communiqué de presse
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 juin 2017 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 213-4 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives.
Les dispositions contestées, relatives aux archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, étaient critiquées en ce qu'elles auraient conféré aux responsables politiques ou à leur mandataire un droit exclusif d'autoriser, de façon discrétionnaire, la divulgation anticipée des documents qu'ils ont versés aux archives. Le requérant soutenait qu'il en résultait une méconnaissance du droit de demander compte à un agent public de son administration, garanti par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et une méconnaissance du droit du public à recevoir des informations. Il invoquait en outre une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif, dans la mesure où l'autorité administrative, saisie d'une demande de consultation, est tenue de se conformer au refus d'accès discrétionnairement opposé par le responsable politique ou par son mandataire.
En premier lieu, par sa décision, le Conseil constitutionnel précise la portée de l'article 15 de la Déclaration de 1789, invoqué par le requérant à l'appui de son premier grief.
Dans un paragraphe de principe inédit, il juge qu'est garanti par cette disposition le droit d'accès aux documents d'archives publiques. Il est, toutefois, loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
Par ce nouveau paragraphe de principe est franchie une étape significative de la jurisprudence constitutionnelle, qui ne comprenait jusqu'alors que très peu de développements sur la portée de l'article 15 de la Déclaration de 1789.
Dans le cadre constitutionnel ainsi précisé, le Conseil constitutionnel relève que, par les dispositions contestées, le législateur a conféré au signataire du protocole de versement ou à son mandataire le pouvoir d'autoriser la consultation anticipée des archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, de manière à accorder une protection particulière à ces archives, qui peuvent comporter des informations susceptibles de relever du secret des délibérations du pouvoir exécutif et, ainsi, à favoriser la conservation et le versement de ces documents. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général.
En outre, cette restriction au droit d'accès aux documents d'archives publiques est limitée dans le temps. D'une part, les protocoles relatifs aux archives versées après la publication de la loi du 15 juillet 2008 cessent de plein droit d'avoir effet lors du décès de leur signataire et, en tout état de cause, à l'expiration des délais fixés par l'article L. 213-2 du code du patrimoine. D'autre part, les clauses relatives à la faculté d'opposition du mandataire figurant dans les protocoles régissant les archives versées avant cette même publication cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire.
Le Conseil constitutionnel juge qu'en conséquence, les limitations apportées par les dispositions contestées à l'exercice du droit d'accès aux documents d'archives publiques découlant de l'article 15 de la Déclaration de 1789 sont justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à cet objectif. Il écarte par ces motifs le grief tiré de la méconnaissance de cet article.
En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel juge qu'en définissant des conditions spécifiques de communication des archives publiques du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, les dispositions contestées ne portent pas d'atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789.
Enfin, le Conseil constitutionnel relève que les dispositions contestées ne privent pas la personne à qui est opposé un refus de consultation du droit de contester cette décision devant le juge. La circonstance que l'autorité administrative ne puisse surmonter l'absence d'accord du signataire du protocole ou, le cas échéant, de son mandataire n'entraîne pas, par elle-même, d'atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
Le Conseil constitutionnel déclare ainsi conformes à la Constitution les dispositions contestées.