Communiqué

Décision n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 - Communiqué de presse

Loi relative à l'égalité et à la citoyenneté
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante sénateurs et plus de soixante députés de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté.

Le projet de loi initial comportait 41 articles. Le texte adopté et soumis au Conseil constitutionnel en comptait 224.

Sur le fond, les auteurs des recours contestaient 18 articles et le Conseil s'est saisi d'office d'un autre article.

Les auteurs des recours estimaient en outre que 23 articles avaient été adoptés suivant une procédure irrégulière (« cavaliers » législatifs ou « entonnoirs »). Le Conseil constitutionnel s'est prononcé d'office sur la régularité de l'adoption de 29 autres articles.

Le Conseil constitutionnel n'a pas statué sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans sa décision qui pourront, le cas échéant, faire l'objet de questions prioritaires de constitutionnalité.

Les principaux points jugés par la décision du Conseil constitutionnel sont les suivants.

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Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'article 39, figurant au sein du titre Ier de la loi, qui habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour remplacer, dans le code de l'éducation, les régimes de déclaration d'ouverture préalable des établissements privés d'enseignement scolaire par un régime d'autorisation.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, eu égard à l'atteinte susceptible d'être portée à la liberté de l'enseignement par la mise en place d'un régime d'autorisation administrative, le législateur, en confiant au Gouvernement sans autre indication le soin de préciser « les motifs pour lesquels les autorités compétentes peuvent refuser d'autoriser l'ouverture » de tels établissements, a insuffisamment précisé les finalités des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnance.

Le Conseil a ainsi censuré l'insuffisante précision de l'habilitation donnée au Gouvernement. Il n'a pas pris position sur le principe de la substitution d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration préalable.

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Le Conseil constitutionnel a statué sur plusieurs articles du titre II de la loi qui prévoit des mesures, dans le domaine du logement, pour favoriser la mixité sociale.

Le Conseil a jugé conformes à la Constitution certaines dispositions de l'article 70 de la loi qui prévoient que 25 % des attributions annuelles de logements sociaux situés en dehors des quartiers défavorisés seront réservées aux demandeurs les plus modestes.

Le Conseil constitutionnel a également jugé conformes à la Constitution certaines dispositions de l'article 97 qui redéfinit les conditions d'application du dispositif « solidarité renouvellement urbain » (SRU). Le Conseil a estimé que les modifications des critères en application desquels certaines communes sont soumises à l'obligation de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux permettent un recentrage du dispositif sur les territoires où la demande de logement social est la plus forte. La loi a ainsi mis en œuvre l'objectif d'intérêt général de mixité sociale et d'accroissement de la production de logements locatifs sociaux.

Les modifications apportées par l'article 98 de la loi à la procédure de carence, applicable aux communes n'ayant pas atteint leurs objectifs de réalisation de logements sociaux, ont également été jugées conformes à la Constitution.

De même, le Conseil constitutionnel a jugé que l'aménagement, dans un sens plus rigoureux, du mécanisme de prélèvement sur les communes qui ne respectent pas leurs obligations ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle. Les dispositions contestées de l'article 99 de la loi ont donc été jugées conformes à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, jugé contraire à la Constitution l'article 100 qui prévoyait la suppression du bénéfice de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale pour les communes qui n'atteignent pas leurs objectifs de réalisation de logements sociaux. Le Conseil constitutionnel a rappelé que cette dotation a pour objet d'améliorer les conditions de vie dans les communes les plus défavorisées. Il a également relevé que le dispositif mis en place par la loi faisait perdre à la commune le bénéfice de la dotation quel que soit l'écart entre le niveau de logements sociaux dans la commune et les objectifs auxquels elle est tenue. Le Conseil s'est enfin fondé sur le fait que la perte de ressources ne faisait l'objet d'aucun plafonnement. Le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions de l'article 100 méconnaissaient sur ce point le principe de libre administration des communes.

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Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur l'introduction de la notion d'« identité de genre » dans différentes dispositions pénales réprimant notamment la diffamation ou des discriminations.

Ces dispositions utilisaient jusqu'à présent les notions de sexe, d'orientation sexuelle et d'identité sexuelle. Le législateur, qui a maintenu les notions de sexe et d'orientation sexuelle, a substitué à la notion d' « identité sexuelle » celle d' « identité de genre »

Le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur les travaux parlementaires qui montrent qu'en ayant recours à cette notion, le législateur a entendu viser le genre auquel s'identifie une personne, qu'il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l'état-civil ou aux différentes expressions de l'appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin. Le Conseil a également souligné que la notion d'identité de genre figure par ailleurs dans différents textes internationaux.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que les termes d'« identité de genre » sont suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité des délits et des peines.

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Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions des articles 174 et 176 de la loi qui aménagent les conditions de l'action en matière de négationnisme et d'apologie de certaines associations autorisées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

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Le Conseil constitutionnel a également jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article 186 qui prévoient qu'il ne peut être établi aucune discrimination selon la situation des enfants ou de leur famille en matière d'inscription à la cantine des écoles primaires lorsque ce service existe.

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Les dispositions de l'article 217 de la loi instauraient un fonds de participation au financement des actions de groupe. Elles prévoyaient que ce fonds est alimenté par la majoration des amendes prononcées par les juridictions répressives lorsqu'est portée devant elles une action de groupe.

Ce texte faisait dépendre l'application de la majoration, du choix de la partie civile de porter son action devant le juge pénal plutôt que devant le juge civil. Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 217 créaient ainsi une différence de traitement injustifiée entre les défendeurs. Il les a donc censurées comme contraires au principe d'égalité.

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Le Conseil constitutionnel s'est prononcé d'office sur le 2 ° de l'article 173 de la loi qui réprimait le négationnisme de certains crimes, y compris lorsque ces crimes n'ont pas fait l'objet d'une condamnation judiciaire.

Le Conseil constitutionnel a constaté, d'une part, que ces dispositions ne sont pas nécessaires à la répression des incitations à la haine ou à la violence qui sont déjà réprimées par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Il s'est fondé, d'autre part, sur le fait que le texte contesté permettrait que des propos puissent donner lieu à des poursuites pénales au motif qu'ils nieraient des faits sans pourtant que ces faits n'aient été reconnus judiciairement comme criminels au moment où les propos sont tenus. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'il en résulterait une incertitude sur la licéité d'actes ou de propos portant sur des faits susceptibles de faire l'objet de débats historiques.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, jugé que les dispositions contestées portaient à l'exercice de la liberté d'expression une atteinte qui n'est ni nécessaire ni proportionnée. Il les a donc déclarées contraires à la Constitution.

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Le Conseil constitutionnel a enfin assuré le respect des exigences constitutionnelles qui s'imposent au législateur en matière d'accessibilité de la loi et de procédure législative.

Le Conseil a ainsi censuré, comme dépourvu de portée normative, l'article 68 de la loi qui affirme que la Nation reconnaît le droit de chaque jeune atteignant l'âge de 18 ans à compter de 2020 à bénéficier d'une expérience professionnelle ou associative à l'étranger.

Le Conseil constitutionnel a également constaté une malfaçon qui l'a conduit à censurer pour inintelligibilité l'article 179 qui modifiait l'article L. 1132-1 du code du travail relatif à la discrimination en droit du travail.

Enfin, s'agissant du respect de la procédure législative, le Conseil constitutionnel, en application de sa jurisprudence, a censuré 36 articles qui avaient été introduits par amendement en première lecture sans présenter de lien, même indirect, avec le projet de loi initial (« cavaliers ») : sept étaient contestés à ce titre par les requérants (articles 64, 80 et 91, paragraphe XIV de l'article 117 et articles 191, 192 et 222) et vingt-neuf ont été soulevés d'office par le Conseil (articles 11, 13, 14, 15, 16, 31, 42, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 69, 110, 112, 119, 126, 145, 163, 169, 203, 204, 209, 210 et 220).

Le Conseil a également censuré sept dispositions introduites en nouvelle lecture en violation de la règle dite de l' « entonnoir », toutes contestées à ce titre par les requérants : le paragraphe I de l'article 67, le paragraphe II de l'article 100, le paragraphe III de l'article 104, le paragraphe II de l'article 121, le 1 ° du paragraphe I de l'article 122, l'article 128 et les paragraphes V à VII de l'article 152.