Communiqué

Décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016 - Communiqué de presse

Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
Non conformité partielle - réserve

Par sa décision n° 2016-736 DC, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui comprenait 123 articles.

Les recours des sénateurs et des députés se limitaient à contester la procédure d'adoption de la loi et deux de ses articles.
Sur la procédure d'adoption de la loi dont il était saisi, le Conseil constitutionnel a jugé qu'une seule délibération du conseil des ministres suffit pour engager, lors des lectures successives d'un même texte, la responsabilité du Gouvernement qui en a délibéré. Les conditions posées pour l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ont donc été respectées. Le Conseil constitutionnel a, en outre, jugé qu'il n'avait pas été porté atteinte à l'exercice effectif du droit d'amendement.

Sur le fond, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur les deux articles dont il était saisi par les sénateurs et un des deux groupes de députés requérants : l'article 27 et l'article 64.

L'article 27 énonce que les collectivités territoriales ont la faculté de mettre des locaux à la disposition d'organisations syndicales, à titre gratuit ou onéreux. Il prévoit un droit à indemnisation de l'organisation syndicale lorsque la collectivité territoriale lui retire la disposition de locaux dont elle avait bénéficié pendant plus de cinq ans sans lui proposer des locaux de substitution. Il n'y a pas lieu à indemnité si une convention écrite conclue entre la collectivité et l'organisation syndicale le stipule expressément.

Le Conseil constitutionnel a formulé sur l'article 27 une réserve d'interprétation et procédé à une censure partielle.

La réserve d'interprétation porte sur l'indemnité prévue qui ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques et le bon usage des deniers publics, excéder le préjudice subi à raison des conditions dans lesquelles il est mis fin à l'usage de ces locaux.

La censure partielle porte sur le paragraphe III de l'article 27 qui donne une portée rétroactive à ses dispositions et permet qu'il s'applique aux conventions de mise à disposition en cours.

Dans la ligne de sa jurisprudence traditionnelle, le Conseil constitutionnel a, d'une part, jugé que, faute d'être justifiée par un motif impérieux d'intérêt général, l'application rétroactive à des conventions ayant pris fin porte atteinte à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

D'autre part, les dispositions de l'article 27 ont pour effet d'obliger les collectivités soit à proposer des locaux de substitution aux organisations syndicales, soit à leur verser une indemnité, sans que les collectivités aient pu écarter préalablement cette obligation par une stipulation contractuelle expresse. Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du paragraphe III portent ainsi une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi qui est de répondre aux difficultés rencontrées par des organisations syndicales bénéficiant de locaux mis à leur disposition avant la publication de la loi.

L'article 64 prévoit, sous certaines conditions, la mise en place d'une instance de dialogue social, commune à l'ensemble du réseau, dans les réseaux d'exploitants d'au moins trois cents salariés en France qui sont liés par un contrat de franchise.

Le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur pouvait prévoir la mise en place d'une telle instance de dialogue, dotée seulement d'un pouvoir de proposition, dans les réseaux de franchise car les caractéristiques des contrats de franchise conduisent à ce que l'encadrement des modalités d'organisation et de fonctionnement des entreprises franchisées puisse avoir un impact sur les conditions de travail de leurs salariés.

Le Conseil constitutionnel a toutefois formulé deux réserves d'interprétation sur l'article 64 et prononcé une censure partielle.

Les réserves d'interprétation portent sur les deuxième et cinquième alinéas de l'article 64. Le texte prévoit que, à défaut d'accord pour mettre en place une instance de dialogue social, un décret en Conseil d'État détermine notamment les heures de délégation accordées aux salariés des franchisés. Le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que le principe même de l'accord mettant en place l'instance de dialogue social n'est pas contraire à la liberté d'entreprendre sous réserve que les employeurs franchisés participent à cette négociation et, d'autre part, que le législateur ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, prévoir l'existence d'heures de délégation spécifiques pour l'instance de dialogue créée sans encadrer le nombre de ces heures. Le décret en Conseil d'État prévu par la loi ne pourra donc pas ajouter des heures de délégations supplémentaires à celles qui sont prévues par le droit commun.

La censure partielle de l'article 64 porte sur les dépenses de fonctionnement de l'instance de dialogue social. Le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu de l'objectif poursuivi par le législateur, dont la portée ne peut qu'être limitée en raison de l'absence de communauté de travail existant entre les salariés des franchisés, ces dispositions, qui imputent l'intégralité des dépenses et des frais aux seuls franchiseurs, à l'exclusion des franchisés, portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les mots « ou, à défaut, par le franchiseur » figurant au sixième alinéa de l'article 64.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, examiné d'office plusieurs dispositions introduites dans la loi selon une procédure contraire à la Constitution (« cavaliers » ou « entonnoirs ») qu'il a censurées à ce titre.

Sont donc censurés :

- le paragraphe III de l'article 39 qui modifie les règles d'utilisation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ;
- l'article 62 qui pérennise au-delà du 31 décembre 2016 la possibilité pour l'employeur d'assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire santé de certains salariés par le versement d'une somme destinée à couvrir une partie de leurs cotisations à un contrat individuel ;
- l'article 65 qui permet à certaines entreprises de moins de cinquante salariés de déduire de leurs résultats imposables une somme correspondant aux indemnités susceptibles d'être ultérieurement dues à leurs salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, il est à souligner que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé d'office sur la conformité à la Constitution des autres dispositions de la loi dont il n'était pas saisi. Elles pourront, le cas échéant, faire l'objet de questions prioritaires de constitutionnalité.