Communiqué

Décision n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 - Communiqué de presse

M. Abdel Manane M. K. [Gel administratif des avoirs]
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 décembre 2015 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier.

L'article L. 562-1 du code monétaire et financier permet au ministre chargé de l'économie de décider le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès notamment des établissements du secteur bancaire et des établissements de paiement régis par ce code, dès lors que ces fonds, instruments et ressources appartiennent soit à des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, soit à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées par elles.

L'article L. 562-2 du code monétaire et financier permet au ministre chargé de l'économie, en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, de décider d'une mesure de gel similaire des fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant soit à des personnes physiques ou morales qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent soit à des personnes morales détenues ou contrôlées par ces personnes physiques.

Le requérant reprochait notamment à ces dispositions de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Le Conseil constitutionnel a, d'une part, relevé que les mesures prévues par les dispositions contestées poursuivent l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions.

D'autre part, il a constaté que la loi définit précisément les avoirs et ressources susceptibles de faire l'objet de mesures de gel, que le ministre doit prendre en compte la nécessité pour la personne faisant l'objet de la mesure de couvrir les frais du foyer familial et d'assurer la conservation de son patrimoine, que le législateur a fixé une durée maximale de six mois pour ces mesures, soumises au respect d'une procédure contradictoire, et encadré les conditions de leur renouvellement et, enfin, que l'Etat est responsable des conséquences dommageables de la mise en œuvre de bonne foi des mesures de gel.

Compte tenu de ces éléments, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en permettant le gel des avoirs appartenant à des personnes qui ont commis, commettent, incitent à la commission, facilitent ou participent à la commission d'actes de terrorisme ou des actes sanctionnés ou prohibés par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou par un acte du Conseil européen, le législateur a prévu des mesures nécessaires et fixé des critères en adéquation avec l'objectif poursuivi.

En revanche, il a jugé qu'en permettant le gel des avoirs appartenant à des personnes qui, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre de tels actes sans qu'il soit nécessaire d'établir que celles-ci ont commis, commettent, incitent à la commission, facilitent ou participent à la commission de ces actes, le législateur a porté à l'exercice du droit de propriété une atteinte manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les mots « ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre » figurant à l'article L. 562-2 du code monétaire et financier. Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

Pour le reste, les dispositions contestées sont déclarées conformes à la Constitution.