Communiqué

Décision n° 2015-492 QPC du 16 octobre 2015 - Communiqué de presse

Association Communauté rwandaise de France [Associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité]
Non conformité totale - effet différé

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2015 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association Communauté rwandaise de France relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de dispositions du cinquième alinéa de l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881.

Ces dispositions réservent aux seules associations qui se proposent, par leurs statuts, de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés, la possibilité de mettre en mouvement l'action publique pour des faits d'apologie de crimes contre l'humanité.

L'association requérante faisait valoir que, ce faisant, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité.

Le Conseil constitutionnel a fait droit à cette argumentation.

Il a d'abord relevé que les incriminations prévues par le code pénal ne répriment pas la seule apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis durant la seconde guerre mondiale.

Le Conseil constitutionnel a ensuite jugé, d'une part, que le législateur n'a pas prévu une répression pénale différente pour l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité selon que ces crimes ont été commis ou non pendant la seconde guerre mondiale. D'autre part, il ne ressort ni des dispositions contestées ou d'une autre disposition législative ni des travaux préparatoires de la loi ayant institué les dispositions contestées l'existence de motifs justifiant de réserver aux seules associations défendant les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions contestées, en excluant du bénéfice de l'exercice des droits reconnus à la partie civile les associations qui se proposent de défendre les intérêts moraux et l'honneur des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité autres que ceux commis durant la seconde guerre mondiale, méconnaissent le principe d'égalité devant la justice.

Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution les mots : « des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou » figurant à l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Une censure immédiate aurait cependant eu pour effet de faire disparaître, pour toute association ayant pour objet de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la Résistance ou des déportés, le droit d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne l'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il décidé de reporter au 1er octobre 2016 la date de l'abrogation qu'il a prononcée afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité. Il a également suspendu les délais de prescription applicables à la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile en matière d'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi et au plus tard jusqu'au 1er octobre 2016.