Communiqué

Décision n° 2013-343 QPC du 27 septembre 2013 - Communiqué de presse

Époux L. [Détermination du taux d'intérêt majorant les sommes indûment perçues à l'occasion d'un changement d'exploitant agricole]
Non conformité partielle - effet différé

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 juillet 2013 par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par les époux L. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.

L'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, applicable en matière de baux ruraux, punit notamment tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant, soit obtenu une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. Aux termes du deuxième alinéa de cet article : « Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme ».

La contestation ne portait que sur le taux de la majoration. Le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions qui y font référence, le législateur ayant méconnu l'étendue de sa compétence, affectant par là même le droit de propriété.

Le Conseil constitutionnel a relevé qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur s'est borné à prévoir que la créance de restitution des sommes indûment versées à l'occasion de la conclusion d'un bail rural produisait intérêt « au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme ». Or, les taux d'intérêt pratiqués par les différentes caisses régionales peuvent varier selon qu'il s'agit de prêts aux entreprises ou aux particuliers, de prêts à taux normal ou à taux bonifié. Ils peuvent également varier selon la durée du prêt, selon les montants en cause et selon que le prêt est conclu à taux fixe ou à taux variable. Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en s'abstenant de fixer les modalités selon lesquelles le taux prévu par les dispositions contestées est déterminé et rendu public, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution.

Cette absence de détermination des modalités de calcul du taux d'intérêt applicable à une créance affecte par elle-même le montant des sommes allouées et, par suite, le droit de propriété tant du créancier que du débiteur. En conséquence, le Conseil constitutionnel a jugé les mots « et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime contraires à la Constitution.

Afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation. Pour préserver l'effet utile de sa décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision.