Communiqué

Décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012 - Communiqué de presse

M. Jean-Claude P. [Régime de circulation des gens du voyage]
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juillet 2012 par le Conseil d'État, dans les conditions prévues par l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Claude P. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions des articles 2 à 11 de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Dans sa décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instaurant un carnet de circulation ainsi que celles imposant aux personnes sans domicile ni résidence fixe, trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrites sur les listes électorales. Il a, pour le surplus, déclaré les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 conformes à la Constitution.

I - Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instaurant un carnet de circulation sont contraires à la Constitution

L'article 5 de la loi de 1969 institue un carnet de circulation. Celui-ci doit être détenu par les personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois, qui logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile et qui ne justifient pas de ressources régulières leur assurant des conditions normales d'existence. Ces personnes doivent faire viser tous les trois mois par l'autorité administrative ce carnet de circulation. Est punie d'une peine d'un an d'emprisonnement la personne circulant sans ce carnet de circulation. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces diverses dispositions sont contraires à la Constitution.

La loi de 1969, en imposant un titre de circulation à des personnes sans domicile ni résidence fixe de plus de six mois, a poursuivi des fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires. Prévoir un carnet de circulation particulier pour des personnes ne justifiant pas de ressources régulières est sans rapport avec ces finalités et donc contraire à la Constitution. De même imposer un visa tous les trois mois de ce carnet et punir d'une peine d'un an d'emprisonnement les personnes circulant sans carnet porte à l'exercice de la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi.

L'annulation de ces dispositions prend effet immédiatement, dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

II - Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 imposant aux personnes sans domicile ni résidence fixe trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrites sur les listes électorales sont contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence particulièrement vigilante, ancienne et constante, sur les mesures qui restreignent l'exercice de leurs droits civiques par les citoyens. Il en a fait application en l'espèce pour juger qu'en imposant pour l'inscription sur les listes électorales un délai de trois ans de rattachement ininterrompu, les dispositions de la loi de 1969 étaient contraires à la Constitution. L'annulation de ces dispositions prend effet immédiatement, dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

III - Les autres dispositions de la loi de 1969 contestées sont conformes à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a jugé que l'existence et les règles de visa de titres de circulation applicables aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ne sont pas, en elles-mêmes, contraires au principe d'égalité et à la liberté d'aller et de venir. Il s'agit pour l'État de pallier la difficulté de localiser les personnes qui se trouvent sur son territoire et qui ne peuvent être trouvées au moyen du domicile ou de la résidence, à l'instar de la population sédentaire. Le Conseil a ainsi jugé qu'en imposant aux personnes précitées d'être munies d'un titre de circulation, le législateur a entendu permettre, à des fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires, l'identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés grâce à un domicile ou à une résidence fixe d'une certaine durée, tout en assurant, aux mêmes fins, un moyen de communiquer avec ceux-ci.

En outre, le Conseil a jugé que la distinction opérée par la loi entre les personnes qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de six mois et celles qui en sont dépourvues repose sur une différence de situation et n'est donc pas contraire à la Constitution.

Enfin, le Conseil a jugé que l'obligation de rattachement à une commune ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire. De plus, il a estimé qu'elle ne restreint pas leur faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de six mois et qu'elle n'emporte pas davantage obligation de résider dans la commune dont le rattachement est prononcé par l'autorité administrative. L'obligation d'avoir une commune de rattachement est une obligation purement administrative qui ne porte pas atteinte aux libertés invoquées par le requérant.