Communiqué

Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012 - Communiqué de presse

Ordre des avocats au Barreau de Bastia [Garde à vue en matière de terrorisme : désignation de l'avocat]
Non conformité totale

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 23 décembre 2011 par le Conseil d'État, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'ordre des avocats au barreau de Bastia. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

Cet article 706-88-2 du CPP s'applique lorsque la personne est gardée à vue pour une des infractions constituant des actes de terrorisme. Le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l'officier de police judiciaire, ou le juge d'instruction lorsque la garde à vue intervient au cours d'une instruction, peut alors décider que la personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d'avocats habilités, établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l'ordre de chaque barreau.

Ces dispositions permettent, pour certaines infractions, que la liberté de choisir son avocat soit différée pendant la durée d'une garde à vue. Le législateur a ainsi entendu prendre en compte la complexité et la gravité des infractions en matière de terrorisme ainsi que la nécessité d'entourer le secret de l'enquête de garanties particulières.

Le Conseil constitutionnel a, d'une part, jugé que, si la liberté, pour la personne soupçonnée, de choisir son avocat peut, à titre exceptionnel, être différée pendant la durée de sa garde à vue afin de ne pas compromettre la recherche des auteurs de crimes et délits en matière de terrorisme ou de garantir la sécurité des personnes, il incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d'exercice des droits de la défense peut-être mise en œuvre.

D'autre part, toutefois, les dispositions contestées se bornent à prévoir que le juge pourra décider que l'avocat qui assistera la personne gardée à vue sera désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats sur une liste d'avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils de l'ordre de chaque barreau. Elles n'obligent pas le juge à motiver la décision ni ne définissent les circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction et les raisons permettant d'imposer une telle restriction aux droits de la défense. Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en l'absence de tout encadrement du pouvoir du juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat, les dispositions contestées sont contraires à la Constitution.

L'abrogation de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale prend effet à compter de la publication de la présente décision ; elle est applicable à toutes les gardes à vue mises en œuvre à compter de cette date.