Communiqué

Décision n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010 - Communiqué de presse

Loi organique relative à l'application de l'article 65 de la Constitution
Non conformité partielle - réserve - déclassement organique

Le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi organique relative à l'article 65 de la Constitution en application des articles 46 et 61 alinéa 1er de la Constitution. Cette loi organique comprend deux chapitres modifiant respectivement la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature et l'ordonnance organique du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. Riche de 38 articles, elle a un triple objet :

- elle tire les conséquences de la réforme de la composition du CSM ;

- elle détermine les règles applicables à la saisine du CSM par les justiciables ;

- elle procède à diverses modifications du statut des magistrats.

Le Conseil constitutionnel a censuré trois dispositions de la loi organique et formulé une réserve. Il a jugé l'ensemble des autres dispositions de la loi organique conformes à la Constitution.

- Article 15.

L'article 15, inséré par amendement parlementaire, imposait au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), lorsque celui-ci siège en formation disciplinaire, de toujours siéger dans une composition comprenant autant de magistrats que de non-magistrats. Cependant, l'article 65 de la Constitution n'a pas fixé une telle règle de parité. Il a seulement prévu que la formation disciplinaire (siège ou parquet) comprend seize membres, huit étant magistrats, huit étant non magistrats. Il n'énonce donc pas une règle selon laquelle la formation disciplinaire ne peut siéger que dans une composition paritaire. C'est pourtant sur ce fondement que l'article 15 de la loi organique imposait à des membres du CSM, magistrats ou non magistrats, de ne pas siéger lorsque d'autres membres, respectivement non magistrats ou magistrats, étaient absents. Le Conseil constitutionnel a donc censuré l'article 15 de la loi organique qui ajoutait à l'article 65 de la Constitution.

- Article 17.

L'article 17 est relatif à la formation plénière du CSM. Celle-ci peut, aux termes de l'article 65 de la Constitution, être saisie soit par le Président de la République, soit par le Garde des Sceaux, ministre de la justice. Lors des débats de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Parlement avait écarté plusieurs amendements prévoyant la possibilité d'une auto-saisine du CSM. Pourtant l'article 17, issu d'un amendement parlementaire, introduisait cette possibilité d'une auto-saisine du CSM sur les questions relatives à la déontologie des magistrats. Le Conseil constitutionnel a donc partiellement censuré l'article 17 de la loi organique en tant qu'il prévoyait cette possibilité d'auto-saisine et ajoutait à l'article 65 de la Constitution.

- Articles 25 et 32.

Les articles 25 et 32 sont relatifs à la saisine disciplinaire du CSM par un justiciable à l'encontre d'un magistrat du siège ou du parquet. La plainte du justiciable ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure « sauf si, compte tenu de la nature de la procédure et de la gravité du manquement évoqué, la commission d'admission des requêtes estime qu'elle doit faire l'objet d'un examen au fond ». Cette exception, issue d'un amendement parlementaire, visait les procédures par nature particulièrement longues, telles les procédures de tutelle.

Le Conseil constitutionnel a censuré cette exception qui, faute de garanties appropriées, aurait pu être utilisée pour déstabiliser des magistrats. Le Conseil a jugé que le législateur organique n'avait pas adopté les garanties appropriées pour assurer la protection de l'indépendance et de l'impartialité du magistrat mis en cause et éviter que cette procédure porte atteinte à la bonne administration de la justice.

- Article 7.

L'article 7 est relatif aux règles de déontologie, d'indépendance et d'impartialité des membres du CSM. Le législateur organique a été très attentif à la conception exigeante de ces règles. Il les a précisées afin d'organiser un déport systématique dès que le membre du CSM est concerné par l'avis ou la décision qu'il rend. En conséquence, par une première réserve sur cet article 7, le Conseil constitutionnel a jugé que tout chef de cour ou de juridiction membre du CSM ne peut délibérer ni procéder à des actes préparatoires lorsqu'il s'agit de nommer un magistrat pour exercer des fonctions dans sa juridiction, de nommer un magistrat qui exerce des fonctions dans sa juridiction ou d'examiner la situation disciplinaire d'un magistrat exerçant des fonctions dans sa juridiction. Il en va de l'indépendance et de l'impartialité du membre du CSM concerné. De même, par une seconde réserve, le Conseil constitutionnel a jugé que le président du CSM devait se déporter pour connaître de la situation individuelle des membres du CSM sortant dès lors qu'ils ont siégé ensemble au Conseil.

Le Conseil a jugé conforme à la Constitution l'ensemble des autres dispositions de la loi organique et procédé à un déclassement d'une phrase de l'article 3 de la loi organique au niveau de la loi ordinaire.