Communiqué

Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 - Communiqué de presse

Traité établissant une Constitution pour l'Europe
Non conformité partielle

Le 19 novembre 2004, par sa décision n° 2004-505 DC, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur le traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004.
1) Appellent une révision de la Constitution française, préalablement à une éventuelle ratification par la France de ce traité, les dispositions suivantes de ce dernier :
a) Celles des dispositions relatives à des matières « régaliennes » (tels « l'espace de liberté, de sécurité et de justice » et la « politique étrangère et de sécurité commune ») qui transfèrent des compétences à l'Union, ou réaménagent les modalités d'exercice de compétences déjà transférées (s'agissant plus particulièrement du passage de l'unanimité à la majorité qualifiée au sein du conseil des ministres européen), de telle sorte que seraient affectées, selon la terminologie constamment utilisée par le Conseil à l'occasion de l'examen des précédents traités (Maastricht, Amsterdam), les « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».
b) Les pouvoirs nouveaux reconnus aux parlements nationaux de s'opposer à une « révision simplifiée » du traité (art. IV-444) ou de faire respecter le « principe de subsidiarité » (protocoles n° 1 et n° 2), dans la mesure où la Constitution française devrait être complétée pour en permettre l'exercice effectif par les députés et sénateurs.
2) N'appelle pas de révision, en revanche, l'article I-6 qui, s'il affirme la primauté du droit de l'Union sur le droit national, doit se lire à la lumière de l'ensemble des autres dispositions du traité, ainsi que de la commune intention des parties signataires. Il résulte en effet de ces dispositions combinées, en particulier de l'article I-1 (en vertu duquel les compétences attribuées à l'Union s'exercent « sur le mode communautaire ») et de l'article I-5 (aux termes duquel : « L'Union respecte l'identité nationale des Etats membres inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles »),que la portée du principe de primauté du droit de l'Union demeure inchangée par rapport à ce que reconnaît déjà l'article 88-1 de la Constitution, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel en juin et juillet 2004.
3) Enfin, compte tenu des clauses de limitation particulières et générales dont elle est assortie, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui constitue la deuxième partie du traité, n'est contraire à la Constitution française ni par son contenu, ni par ses incidences sur la souveraineté nationale.
Il en est ainsi des dispositions de l'article II-70 relatives aux pratiques religieuses manifestées en public. En effet, conformément aux « explications » annexées à la Charte (et qui ont la même valeur juridique que le traité), le droit mentionné par l'article II-70 a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Or la Cour européenne des droits de l'homme interprète cet article en harmonie avec la tradition constitutionnelle de chaque Etat membre. Prenant acte de la valeur du principe de laïcité inscrit dans plusieurs traditions constitutionnelles nationales, elle laisse aux Etats une large marge d'appréciation pour définir les mesures les plus appropriées, compte tenu de leurs traditions nationales, pour concilier la liberté religieuse avec le principe de laïcité.